Dénomination: Laguiole 12cm
Artisan: Michel CHAMBON
Longueur totale: 219 mm
Longueur de lame: 99 mm (dont 91 mm de tranchant)
Epaisseur de lame: 2.5 mm au plus épais
Type acier: acier carbone XC75
Manche: Pointe de corne de bovin (flammée)
Système: Cran forcé
Origine: France
Achat: Occasion
Un nouveau couteau Laguiole, un 12cm en deux pièces, avec non pas un tire-bouchon mais un poinçon qui vient s’ajouter à la lame. Historiquement, lorsqu’on parle de laguiole 2 pièces il faut savoir que le poinçon est venu se rajouter bien avant l’apparition du tire-bouchon (alors que le couple lame et tire-bouchon est devenu aujourd’hui le plus courant lorsqu’on parle de laguiole 2 pièces). L’arrivée de ce poinçon répondait à la demande des éleveurs du plateau de l’Aubrac, qui utilisaient cet outil comme trocart pour percer la panse des bovins soufrant de météorisation pouvant leur être fatale (gonflement excessif créé par la production de méthane).
Pour rester dans la parenthèse historique, Michel Chambon qui a fabriqué ce couteau est un des 5 jeunes envoyés par la chambre des métiers de l’Aveyron en apprentissage à Thiers au début des années 80. Ces jeunes y avaient été envoyés là-bas pour apprendre le métier de coutelier et ainsi rapatrier le savoir faire coutelier dans la région de Laguiole… la fabrication du couteau Laguiole s’étant délocalisée dans le bassin de Thiers des années au-paravant, durant une époque creuse pour ce couteau qui aurait pu disparaître sans les coutelleries du bassin de Thiers (raison pour laquelle l’argument “couteau laguiole de Laguiole” ne veut pas dire grand chose en dehors de l’effet commercial de nos jours, merci à Thiers d’avoir fait perdurer son existence durant la période sombre…)
Bref, avec sa fabrication 2 pièces lame et poinçon, ce couteau est un laguiole plutôt rustique que Michel Chambon a réalisé dans l’esprit des couteaux qui accompagnaient le quotidien des éleveurs locaux, une construction solide sans fioriture particulière, mais avec la beauté du couteau simple et efficace, voyons cela en détail.
La lame pour commencer, est en acier carbone XC75, traditionnel pour ce couteau. Elle a évidemment cette forme Yatagan habituelle, mais avec un faux contre tranchant particulièrement incurvé qui lui donne cette ligne très élancée. L’onglet est parfaitement frappé sur la lame, juste à la bordure de ce faux contre-tranchant et il est plutôt fin. Enfin pour le marquage, le nom du coutelier poinçonné sur la lame est très propre et net, ainsi que la mention de l’acier sur le talon qui est néanmoins un peu particulière, dans une fonte d’écriture que j’avais rarement vue, comme si elle était en italique : original !
Deuxième outil, le poinçon, il est de belle taille et très piquant, je ne doute pas une seconde qu’il pourrait satisfaire à sa fonction originelle sans sourciller ! Par manque de bestiaux à soulager, il va pour moi être parfait en épissoire pour des travaux de matelotage, notamment lors de la fabrication de krotoku en paracorde pour mes couteaux 😉
Seule décoration esthétique sur ce couteau, le guillochage du ressort est d’un motif lui aussi plutôt rustique, qui s’accorde donc très bien avec le style du couteau. Un guillochage fait à la main, à la lime comme les premiers couteaux laguiole
La mouche forgée, abeille au design minimaliste, est très belle dans cette simplicité, et elle aussi sculptée à la lime.
Ce qui peut être surprenant comparé aux autres de mes couteaux laguiole au design plus actuel, c’est la largeur du manche : vu de côté il a la finesse habituelle pour ce couteau mais vu de dessus on prend conscience de l’épaisseur des plaquettes en corne. Ces plaquettes assez fines au cul du couteau vont en s’élargissant tout du long jusqu’à l’avant. On le voit bien au niveau de la mouche qui est de belle taille mais paraît toute petite !
C’est cette largeur du manche qui donne ce fort sentiment de robustesse lorsqu’on prend le couteau en main, il n’y a pas cette impression de finesse souvent ressentie pour les couteaux laguiole d’aujourd’hui, couteaux dont l’utilisation principale se retrouve dans une jolie assiette, ce couteau là est un couteau de travail. En fait, c’est le même sentiment que j’ai eu pour mon Calmels, large lui aussi avec une sobriété très similaire, mais un ressenti de façon peut-être encore plus forte pour ce Chambon.
Dernière chose pour le ressort, celui-ci est muni d’un anneau de bélière forgé, détail final renforçant encore d’avantage l’esprit traditionnel du couteau, les premiers couteaux laguiole en étant souvent pourvus.
Enfin, les plaquettes en pointe de corne, nous avons parlé de leur épaisseur mais il faut surtout souligner la beauté de cette corne ! Une pointe de corne claire mais très flammée, c’est à dire avec de nombreux reflets bruns plus foncés. Une fabrication de type traditionnel voir rustique (dans le bon sens du terme) du couteau n’empêche évidemment pas de faire un choix parmi ce matériau commun qu’est la corne de bovin en Aubrac, et donc de choisir le plus beau des morceaux qu’on a sous la main. C’est de toute évidence ce choix qu’a fait le coutelier, car cette pointe de corne est une des plus belles que j’ai pu voir !
Voilà un couteau dont l’achat n’avait pas été planifié du tout… un couteau qui m’a été proposé par un autre passionné, et pour moi une sorte de découverte après de nombreux couteaux Laguiole très ouvragés et évidemment superbes, comme un retour à la source… Alors merci à cet ami pour cette découverte, et cet article est par conséquence rédigé un peu dans une envie de partage : Michel Chambon est toujours là avec son atelier dans les environs de Laguiole, pas forcement connu du grand public alors qu’il a participé à l’histoire de ce couteau (je vous conseille au passage l’excellent ouvrage dédié au couteau Laguiole de Christian Lemasson, support du couteau pour les photos montrées ici). Ainsi, très heureux d’accueillir cette pièce dans ma collection 😉
Voilà une très belle pièce ! Je n etais pas trop Laguiole, et j y viens petit à petit !
La corne est très belle en effet !
À table, cette forme de couteau est particulièrement adaptée et agréable, d’où mon accumulation pour ce modèle que j’apprécie beaucoup. D’autant plus qu’en partant sur ce design, il y a ensuite un très grand choix de déclinaisons en France, avec toutes sortes de finitions différentes.